comment la cohérence et l’authenticité doivent être au cœur de toute stratégie de communication responsable

Communication responsable ou dissonance stratégique ?

Le cas Shein x Havas Paris

Alors que la fast fashion redouble d’intensité, la communication responsable se retrouve piégée entre valeurs affichées et intérêts financiers. L’affaire Shein x Havas Paris en est le révélateur.

Quand les valeurs s’effacent derrière les millions, il est urgent de poser la question qui dérange : où est la cohérence ?

Dans un monde secoué par l’urgence climatique, la crise sociale et la remise en question de nos modèles de consommation, la communication ne peut plus se contenter de faire joli. Elle a un rôle à jouer, une posture à incarner, une responsabilité à tenir. Et lorsqu’elle trahit ses propres engagements, c’est tout un système de crédibilité qui vacille.

La récente campagne publicitaire lancée par Havas Paris pour Shein, géant chinois de la fast fashion, est un cas d’école de dissonance stratégique. Derrière des slogans lisses et séduisants — « Pourquoi la mode devrait être un luxe ? », « La mode est un droit, pas un privilège » — se cache une opération de communication massive qui interroge profondément.

Une campagne qui sonne faux

La promesse est simple : rendre la mode accessible à tous. Un message séduisant à première vue, surtout en cette période où le pouvoir d’achat est malmené. Mais que cache cette accessibilité à prix cassé ? Une chaîne de production opaque, une empreinte écologique démesurée, une logique de surconsommation effrénée et des droits sociaux souvent bafoués.

Shein, c’est l’archétype d’un modèle ultra-rapide, ultra-polluant, ultra-déconnecté des enjeux sociétaux actuels. Inonder le marché de vêtements fabriqués à bas coût, dans des conditions de travail souvent critiquées, est tout sauf anodin. Ce n’est pas rendre service aux consommateurs, c’est les enfermer dans une boucle de plaisir immédiat et de vide éthique.

Havas Paris : une agence à double discours ?

Ce qui choque ici, ce n’est pas tant que Shein cherche à redorer son image – c’est malheureusement classique – mais bien que l’agence Havas Paris, réputée pour ses engagements en matière de communication responsable (impact+), en soit la cheville ouvrière.

Sur son site, Havas met en avant sa volonté de « donner du sens », de « créer de l’impact », d’accompagner la transformation écologique et sociale. Elle est membre de l’AACC, signataire de chartes éthiques, et se positionne comme actrice du changement.

Alors comment justifier ce virage à 180 degrés ? Quels arbitrages ont été faits entre convictions affichées et intérêts financiers ? Car on parle ici de millions d’euros investis dans une campagne corporate où la forme masque un fond profondément contestable. Le message est clair : les valeurs ont un prix. Et il semble avoir été payé.

Le mirage de la mode accessible

Oui, les consommateurs veulent se faire plaisir. Oui, s’habiller ne devrait pas être un luxe. Mais faire croire qu’une mode à 5 euros est un progrès social est une manipulation. C’est ignorer le coût humain et environnemental caché dans chaque pièce produite. C’est taire l’exploitation, l’impact carbone, les microplastiques dans les océans, les montagnes de vêtements invendus en Afrique.

La véritable accessibilité ne passe pas par l’ultra-low cost, mais par un changement de paradigme : mieux produire, mieux choisir, mieux valoriser. Cela demande du temps, de la pédagogie, une refonte des modèles économiques et une volonté politique. En Europe, une législation anti fast-fashion est justement en préparation. Ce n’est pas un hasard.

Une industrie locale à soutenir, une conscience à reconstruire

Pendant que certains brandissent des promesses creuses, d’autres se battent pour relocaliser la production textile, soutenir les savoir-faire, recréer une économie du vêtement fondée sur la qualité et la durabilité. Bien sûr, cela coûte plus cher. Mais c’est un investissement pour l’avenir.

Face à l’absurdité d’une mode jetable importée à bas coût, des marques françaises et européennes tracent un autre chemin, plus exigeant, plus lent, mais infiniment plus cohérent. Ces marques ne promettent pas la perfection, mais elles assument un cap : relocaliser la production, miser sur la qualité plutôt que la quantité, recycler plutôt que gaspiller, et travailler en transparence avec des partenaires engagés.

C’est le pari de 1083, qui relance la filière denim en France, de la filature à la confection. De Cimalp ou Pag Neckwear, ancrés dans les Alpes, qui créent des vêtements techniques performants tout en respectant le vivant. De Nosc ou Watts, jeunes marques outdoor qui refusent de choisir entre style, technicité et responsabilité. Du Slip Français, qui valorise le savoir-faire artisanal local. De Hopaal, qui conçoit des vêtements 100 % recyclés, sans matière vierge. De Les Hirondelles, qui upcyclent les fins de rouleaux textiles. De Picture Organic Clothing, pionnier du vêtement écoresponsable et engagé dans la traçabilité. Ou encore de Loom, ou Vestiaire Collective qui déconstruisent les mécanismes de la fast fashion en prônant sobriété, durabilité et réparabilité.

Ces marques n’achètent pas leur image à coup de millions. Elles la construisent patiemment, par leurs choix, leurs valeurs, leurs actes. Elles prouvent qu’un modèle alternatif existe, et qu’il est en train de devenir désirable. Les soutenir, c’est faire bien plus qu’acheter un vêtement : c’est participer à la reconstruction d’une industrie textile européenne, humaine et durable.

Ces acteurs / ces artisans, méritent notre soutien (même si certains sont eux aussi victimes du système). Et ils méritent surtout que les communicants prennent leur part dans ce virage nécessaire : en refusant les briefs toxiques, en s’engageant sur des lignes éditoriales cohérentes, en accompagnant le consommateur dans sa montée en conscience.

La cohérence, nouvel impératif stratégique

La cohérence, aujourd’hui, n’est pas un luxe. C’est un devoir. Les consommateurs ne sont plus dupes. Ils scrutent les écarts entre les discours et les actes. Ils sanctionnent les dérapages. La réputation ne se construit plus sur de la poudre aux yeux, mais sur des fondations solides et alignées.

Havas Paris, en signant cette campagne, a ouvert un débat. Et peut-être est-ce la seule vertu de cette opération : nous forcer à reposer les bonnes questions. À quoi sert de parler d’impact si l’on sert les intérêts d’un modèle délétère ? Que vaut l’engagement responsable si la première ligne de budget le fait s’évaporer ? Peut-on, décemment, promouvoir une mode jetable tout en prétendant œuvrer pour un monde durable ?

Nous sommes Oozbo, l’agence des marques positives©

Chez Oozbo, nous croyons qu’il est possible – et même essentiel – de faire de la communication autrement. Plus authentique, plus transparente, plus cohérente. Nous avons fait le choix d’accompagner exclusivement des marques qui s’engagent concrètement pour un impact positif, parce que nous pensons que le vrai changement vient de là.

Notre quotidien, c’est de donner de la visibilité à ceux qui préservent le vivant aquatique, créent des spectacles son & lumière respectueux de la faune et de la flore, reconditionnent des appareils électroniques pour leur offrir une seconde vie, développent un tourisme responsable moins énergivore, réinventent la mobilité, ou proposent des solutions alimentaires locales et bio. De la communication responsable !

Nous savons qu’il existe une autre voie. Qu’il est possible de communiquer sans trahir ses valeurs. De raconter des histoires vraies, alignées, utiles. Et nous sommes convaincus que le rôle d’une agence de communication aujourd’hui, c’est de choisir ses combats, de dire non quand il le faut, et de faire de chaque campagne un levier de transition, pas un simple coup d’éclat publicitaire.

Repolitiser la communication

Il est temps de repolitiser la communication. Non pas au sens partisan, mais dans sa capacité à construire du sens, du lien, de la transformation. Les communicants ont un rôle clé : ils peuvent alimenter le greenwashing… ou le faire tomber. Ils peuvent nourrir l’illusion… ou dire la vérité. Une communication responsable ou une communication business ?

Cette campagne Shein n’est pas seulement une erreur d’image. C’est un signal d’alarme. Un révélateur d’un secteur encore trop perméable aux injonctions court-termistes. La bonne nouvelle ? Il est encore temps de changer. De refuser la compromission. De remettre l’humain, l’environnement, la cohérence au centre. Car au fond, la seule question qui vaille, c’est celle-ci :
Que voulons-nous vraiment faire de notre pouvoir de communication ?