Marque positive de la vigne - J Merle Long

MARQUE POSITIVE DE LA VIGNE 

On parle beaucoup de marque positive chez Oozbo, et cette idée semble faire son chemin dans des secteurs très variés. On sait depuis longtemps que malheureusement, la vigne est un secteur particulièrement polluant. Mais qu’en est-il vraiment ? Peut-on aborder la vigne et la culture du vin autrement ? Un exemple concret peut-être ? De nouvelles perspectives ?

Les détracteurs de la viticulture conventionnelle essayaient de mettre en avant que sur la « petite » surface de 110 000 hectares dans le Bordelais, était consommé 10% des pesticides utilisés en France. Énorme ! Dix laboratoires publics ont conjointement mis en évidence l’impact des produits phytosanitaires dans un vignoble bordelais sur l’environnement (étude parue en Janvier 2023).

Dans les faits, la viticulture représente à peine 3% des surfaces agricoles en France, mais concentre 20% des fongicides répandus dans la nature. La viticulture représente 15% de la production agricole française en valeur.

Or, les résidus de pesticides se retrouvent peu dans le vin : selon une étude de l’institut Rhodanien, les pesticides retrouvés sont nettement inférieurs aux limites maximales autorisées, calculées pour le raisin. Le principal résidu chimique retrouvé dans le vin, le sulfite (ou dioxyde de soufre) accusé d’être à l’origine de migraines, est ajouté par la suite après la vendange, pour limiter la prolifération de certains micro-organismes et l’oxydation.

Mais les molécules sont en revanche répandues dans la nature : elles se répercutent sur la faune et la flore, contribuent à détruire les insectes dont les abeilles, et ont aussi des conséquences sur l’être humain : perturbateurs endocriniens, cancers. L’enjeu est important pour la viticulture française.

Suivant la directive pour une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, la filière viticole s’est engagée à réduire de 50 % l’usage de produits phytosanitaires, notamment en modifiant ses modes de pulvérisation. Un label « haute valeur environnementale» (HVE) a aussi été mis en place : il devrait théoriquement concerner la moitié des exploitations françaises en 2025. Mais le label crée par l’Etat est encore peu connu, des consommateurs comme des distributeurs voire des producteurs. Les contraintes sont nettement moins draconiennes que celles du bio, mais présentent un réel intérêt pour réduire les intrants : l’enherbage des vignes notamment permet de réduire l’épandage de désherbant.

De nouvelles démarches environnementales font leur apparition notamment dans les plus grands vignobles, dans le Bordelais et en Champagne, notamment à l’aune du changement climatique qui nécessite d’adapter les cépages et la gestion de l’eau à la hausse des températures. Et si les grands vignobles s’y mettent, c’est qu’il doit y avoir une raison… qui commence à faire son chemin.

Mais est-ce suffisant ? Et le vin naturel, la vigne bio ?

La production du vin bio suit des normes strictes et précises. Les viticulteurs bio s’engagent à n’utiliser que des produits naturels et biologiques pour le traitement de leurs vignes. Ils recourent par exemple à des insectes auxiliaires et des préparations à base de plantes pour lutter contre les maladies et les parasites de la vigne. 

En ce qui concerne la vinification, elle est également réalisée dans le respect de l’environnement et de la santé du consommateur. Les additifs et auxiliaires de fabrication sont limités et doivent être d’origine naturelle. De plus, la quantité de soufre ajoutée au vin, qui permet de conserver le vin et de stabiliser sa couleur et ses arômes, est nettement inférieure à celle autorisée dans la vinification conventionnelle.

La qualité d’un vin bio ne se limite donc pas à son mode de production respectueux de l’environnement. Ce type de vin est également reconnu pour ses qualités gustatives (que l’on peut vous certifier chez Oozbo – lors de nos apéros raisonnés et raisonnables 😉 – et on a notre petit préféré*). En effet, le respect du cycle naturel de la vigne et l’absence de produits chimiques permettent de révéler au mieux les caractéristiques du terroir et le goût authentique du raisin (c’est ça aussi être « authentic »).

A la rencontre de Julien

Julien Merle est un paysan, comme il aime se définir. Un viticulteur (5ème génération) qui n’a pas hésité à repartir de zéro sur ses 7 hectares de vignes dans le sud du Beaujolais à Légny. Passionné et entier, Julien travaille ses parcelles en agriculture biologique bien sûr, depuis 2003, mais aussi sans aucun intrant chimique depuis 2006. Il travaille la terre avec l’aide de Nougatine, sa jument franc-comtoise, en griffant tout juste le sol sur 5 centimètres afin de ne pas bouleverser les équilibres microbiens. A la cave, il vinifie ses cuvées sans sulfite.

« J’ai toujours aimé parler de ma vision du paysan, être pédagogue. On veut montrer aux visiteurs qu’on peut aussi s’en sortir avec une exploitation à taille humaine. Et pourquoi pas créer des vocations ! », s’enthousiasme Julien. 

Du point de vue de la santé, le vin bio est également une option intéressante. Selon plusieurs études, la consommation de vin bio pourrait être plus bénéfique pour la santé que celle de vin conventionnel. En effet, le vin bio contient généralement plus d’antioxydants, qui sont connus pour leurs propriétés bénéfiques pour la santé. De plus, en évitant l’exposition aux résidus de pesticides et d’autres produits chimiques, le vin bio pourrait être une option plus sûre pour ceux qui sont préoccupés par leur santé. Il est toutefois important de noter que la consommation de vin, qu’il soit bio ou non, doit toujours être modérée. 

Évidemment, face aux grandes écuries de la viticulture, on peut se demander si le business modèle fonctionne. Julien a choisi de ne pas être « un soldat de l’agroalimentaire », et ce en produisant différemment. Il faut croire que son approche de vin naturel plaît : plus de la moitié de sa production part à l’étranger (USA et Japon principalement). Ses vins sont différents du standard, plus proches de ce qu’étaient les vins à l’origine. Il ne s’agit pas d’être passéiste (dans la méthode d’agriculture ou l’utilisation d’un cheval), mais de penser à la terre, et à ce qu’on laissera aux futures générations. Chaque geste compte.

Le culte de la performance

On parle souvent de performance dans l’agriculture. L’avantage de la performance, c’est qu’elle donne le sentiment de progrès, voire du devoir accompli. Mais les gains d’efficience conduisent majoritairement à des effets de rebonds qui les annulent. Les gains de performance ont toujours un coût caché, à l’exemple de l’agriculture intensive qui ne permet pas la régénération des sols : « plus on tire sur le fil, plus on fait des nœuds ailleurs ». Optimiser fragilise pour Olivier Hamant

En s’inspirant de sa connaissance du vivant et de la nature, il propose d’ajouter aux deux piliers traditionnels que constituent la circularité (« Vivre, c’est régénérer ») et la coopération (« Vivre, c’est cohabiter »), un pilier de soutènement principal : la robustesse car « le vivant ne met pas l’accent sur la performance, mais sur la robustesse ». 

Compte tenu de l’évolution climatique, il faudra sans doute aborder l’avenir de la vigne, et comment l’adapter à l’augmentation des températures par exemple. Peut-être intégrer des pieds de vigne plus « robustes » ? C’est cela aussi, s’adapter.

Dans le monde stable de la performance, nous exploitons les écosystèmes pour augmenter les rendements agricoles, dans le monde robuste, c’est l’agroécologie qui prédomine au prix de rendement un peu plus faible.  On peut donc légitimement se poser la question : si on remplaçait le culte de la performance par la quête de robustesse ? (à retrouver dans « the killer idea » de Nicolas Bordas).

Une tendance pour le bio ?

La croissance constante de la demande pour les vins biologiques indique clairement que le bio est plus qu’une simple tendance. En fait, il s’agit d’une révolution dans l’industrie viticole qui semble être là pour durer. Les consommateurs sont de plus en plus conscients des effets de leurs choix alimentaires sur leur santé et l’environnement, et ils sont prêts à payer un peu plus cher pour des produits qui sont non seulement de meilleure qualité, mais aussi plus respectueux de la planète.

Quand on sait qu’aujourd’hui, on peut disposer de plus de 200 intrants dans le vin (pas les bio évidemment !), de même que tous les additifs dans l’alimentation, et qu’il est possible de faire autrement, il serait peut-être temps de se poser les bonnes questions. Certes parfois, cela nécessitera de produire « moins », mais si c’est « mieux » (santé et environnement), pourquoi s’en priver ? C’est peut-être cela la « robustesse » ? On parle beaucoup de « déconsommation », de manger local et de saison, du fait que nous sommes nombreux et que nous n’avons qu’une seule planète… Tout cela semble bien complexe à mettre en perspective.

Par ailleurs, il semble difficile parfois de valoriser un label bio, en sachant que les parcelles environnantes sont en conventionnel. Mais peut-être que le consommateur va finir par demander au producteur conventionnel ce qu’il met dans son vin ?.. (ou plus largement dans sa production). Ce sera sans doute lui qui aura le dernier mot, car à défaut de bulletin de vote, c’est en utilisant sa carte bancaire qu’il sera le plus efficace pour faire un choix.

Alors que le marché alimentaire certifié AB marque un coup de frein, les ventes de vins bio maintiennent leurs croissances grâce au fort développement des ventes en direct. Le Beaujolais bio a un avenir prometteur, et les viticulteurs de la région sont bien conscients de cette réalité (coucou les Beaujaliens) ; en effet, la région fait partie des « leaders » français en termes de vins naturels.

La démarche de Julien Merle « sans aucun intrant », en qualifiant son domaine et sa production vin nu, honnête et libre, de lubrifiant social, devrait inspirer d’autres acteurs de l’agriculture pour s’orienter davantage vers de l’agroécologie, parce que oui, ça marche. C’est ça aussi donner un sens à ce que l’on fait. Et en plus c’est bon pour la santé … et pour la planète. Une vraie belle marque positive.